silhouette d'une grande famille se tenant par la main dans un parc

Planification successorale pour les familles recomposées

Introduction

Le nombre de familles recomposées au Canada est en augmentation. Les familles recomposées sont celles dans lesquelles l’un des conjoints, ou les deux, ont des enfants issus d’une relation antérieure. Ces enfants peuvent être jeunes au moment où la nouvelle relation commence, ou ils peuvent déjà être des adultes indépendants. Dans les deux cas, les familles recomposées ont une dynamique unique qui peut ajouter de la complexité à la succession d’une personne et qui peut nécessiter une planification plus approfondie.

Remarque terminologique : Par commodité, le terme « conjoint » sera utilisé tout au long de cet article pour désigner à la fois les conjoints de fait et les conjoints mariés, sauf indication contraire.

Considérations particulières pour les familles recomposées

Bien que chaque famille recomposée soit différente à sa manière, plusieurs problèmes communs ont tendance à survenir.

  1. Obligations de soutien concurrentes

    Le droit successoral canadien permet généralement à une personne de faire don de ses biens à qui elle le souhaite. Une exception importante à cette règle se produit lorsqu’une personne a l’obligation de soutenir financièrement une autre personne, telle qu’un conjoint ou un enfant. Dans le cas des familles recomposées, il peut y avoir une décision de justice ou un accord de séparation exigeant une pension alimentaire pour le conjoint ou les enfants, qui sera maintenue même si le payeur décède. En outre, un conjoint, un enfant ou un autre membre de la famille financièrement dépendant peut avoir le droit de réclamer une pension alimentaire à la succession du défunt si ce dernier ne lui a pas laissé de fonds suffisants.

    Des problèmes se posent lorsque les souhaits successoraux d’une personne ne correspondent pas à ses besoins en matière d’assistance. Par exemple, une personne qui souhaite léguer l’intégralité de son patrimoine à ses enfants issus d’un premier mariage peut néanmoins avoir l’obligation légale de subvenir aux besoins de son second conjoint. Il est important de noter que la législation relative aux obligations alimentaires et aux personnes à charge varie considérablement d’une province à l’autre.

  2. Droits de propriété des époux

    Outre d’éventuels droits alimentaires, un conjoint peut avoir des droits de propriété qui lui donnent droit à une partie de la succession de son conjoint décédé. En Ontario, par exemple, les conjoints mariés peuvent choisir de recevoir un paiement de péréquation de la succession de leur conjoint décédé comme si les conjoints s’étaient séparés à la date du décès, si cela leur permet de recevoir plus que ce qu’ils auraient autrement reçu de la succession. Le droit de la famille de l’Ontario déterminera le montant dû au conjoint survivant. Ce droit ne s’étend pas aux conjoints de fait en Ontario.

    Comme pour les obligations alimentaires, la loi concernant les droits de propriété du conjoint au décès varie considérablement d’une province à l’autre.

  3. Plans patrimoniaux incohérents

    Dans les situations familiales traditionnelles, les conjoints sont généralement d’accord sur la manière dont ils souhaitent partager leur patrimoine. En règle générale, les conjoints se lèguent tout l’un à l’autre, puis le partagent entre les enfants. Ils peuvent choisir de faire des dons à d’autres personnes ou à des organismes de bienfaisance, en particulier lorsqu’ils n’ont pas d’enfants, mais leurs souhaits quant à la destination de leurs biens tendent à s’aligner. Dans les situations de familles recomposées, les conjoints peuvent entrer dans la relation avec un certain niveau de richesse financière et avec des enfants issus de relations antérieures. Cela conduit généralement chaque partenaire à vouloir laisser son héritage d’une manière qui ne correspond pas à celle de l’autre partenaire et selon la vision plus courante de « ce qui est à moi est à moi », plutôt que « ce qui est à moi est à nous ». Cette complication peut encore s’aggraver s’il existe des biens communs, qui seront légalement transmis au conjoint survivant au décès du premier conjoint. Pour ces biens, le conjoint qui décède en premier n’aura pas la possibilité de déterminer à qui le bien sera transmis après le décès du second conjoint.

  4. Conflit ou méfiance au sein de la famill

    Si les conflits familiaux constituent toujours une préoccupation potentielle dans le cadre de la planification successorale, celle-ci peut être plus importante dans les situations de familles recomposées. Les souhaits et les attentes concernant les fonds familiaux ne sont pas toujours les mêmes parmi les membres de la famille, et des intérêts divergents peuvent être à l’origine d’importantes mésententes.

Outils de planification successorale dans les situations de familles recomposées

Il existe plusieurs outils de planification successorale qui peuvent s’avérer particulièrement utiles dans les situations de familles recomposées.

  1. Testaments mutuels

    Dans une situation familiale traditionnelle, les conjoints exécutent généralement des testaments qui reflètent ceux de l’autre, les deux léguant tout d’abord à l’autre, puis à leurs enfants après le décès de l’un et de l’autre. Chaque conjoint fait confiance à l’autre pour que, même après son décès, le conjoint survivant ne retire pas ses enfants du testament. Dans les familles recomposées, les conjoints peuvent également souhaiter rédiger des testaments en miroir, mais ils peuvent s’inquiéter de la possibilité que le conjoint survivant modifie son testament après le décès du premier conjoint.

    Une solution possible consiste à rédiger des testaments mutuels, qui comprennent à la fois des testaments en miroir et un accord signé qui interdit aux conjoints de modifier leurs testaments sans le consentement de l’autre. L’accord interdit au conjoint survivant de modifier son testament après le décès du premier conjoint. En règle générale, il est également interdit au conjoint survivant d’épuiser la succession par des dons avant son décès.

    Les testaments mutuels présentent certains inconvénients. Tout d’abord, si le conjoint survivant modifie son testament, ce nouveau testament est considéré comme juridiquement valable et les bénéficiaires dont l’héritage a été réduit ou supprimé devront saisir les tribunaux pour obtenir réparation. À cet égard, l’utilisation d’une fiducie peut être une stratégie privilégiée. Un autre problème est qu’il peut y avoir des circonstances légitimes après le décès d’un conjoint qui nécessiteraient des changements dans le testament. Cependant, ces changements ne seraient plus possibles.

  2. Utilisation de fiducies

    Les fiducies sont des structures juridiques qui permettent à une personne de léguer des actifs au profit d’une autre personne tout en laissant à une autre personne, le fiduciaire, le contrôle de ces actifs. Les fiducies peuvent contenir des dispositions qui dictent la manière dont le fiduciaire peut gérer et distribuer les actifs de la fiducie ou peuvent laisser ces décisions entièrement à la charge du fiduciaire. Les fiducies peuvent également être constituées et financées du vivant d’une personne (fiducies entre vifs) ou à son décès (fiducies testamentaires)

    Les fiducies sont un excellent moyen d’équilibrer les droits et les besoins concurrents dans le cadre de la planification successorale. Elles constituent également des outils utiles pour garantir la protection des fonds hérités pendant de nombreuses années, voire sur plusieurs générations.

    Certaines fiducies, telles que les fiducies de conjoint, sont couramment utilisées dans les situations de familles recomposées. Dans le cas d’une fiducie de conjoint, le conjoint du défunt bénéficiera de tous les revenus de la fiducie, avec un accès potentiel au capital s’il le souhaite. Toutefois, après le décès du conjoint, les conditions de la fiducie détermineront à qui les actifs restants de la fiducie doivent être transmis. Par conséquent, une personne peut à la fois subvenir aux besoins de son conjoint du vivant de ce dernier tout en veillant à ce que ses enfants ou ses organismes de bienfaisance favoris reçoivent le don final. Les fiducies de conjoint bénéficient d’un traitement fiscal unique qui peut également les rendre intéressantes.

    Pour que des actifs soient transférés dans une fiducie au décès d’une personne, celle-ci doit en être la seule propriétaire. Souvent, les conjoints possèdent des biens conjointement, ce qui signifie que le bien sera transmis directement au conjoint survivant et non à une fiducie créée par le testament de la personne décédée. Pour protéger la distribution finale de ces actifs, les conjoints peuvent envisager la création d’une fiducie en faveur d’un conjoint, qui est constituée et financée du vivant des conjoints, et non à leur décès.

  3. Exécuteur testamentaire et fiduciaire professionnels et neutres

    Lors de la planification successorale pour les familles recomposées, il est particulièrement important d’accorder une attention particulière à la question de savoir qui sera désigné comme exécuteur testamentaire et fiduciaire. Le fait de désigner le second conjoint ou un enfant comme exécuteur testamentaire peut susciter des sentiments de méfiance et de ressentiment de la part de l’autre partie. À l’inverse, la désignation conjointe d’un conjoint et d’un ou plusieurs enfants peut entraîner des désaccords susceptibles de bloquer l’administration de la succession. Dans le meilleur des cas, ces situations conduisent à des tensions accrues et, dans le pire des cas, à des litiges de longue durée.

    En raison de cette préoccupation et parce que les situations de famille recomposée entraînent généralement une plus grande complexité de la succession, un exécuteur testamentaire et un fiduciaire professionnels et neutres sont souvent fortement recommandés dans le cadre d’un plan successoral bien exécuté.

    Tout d’abord, un exécuteur testamentaire professionnel restera objectif dans l’administration de la succession et des éventuelles fiducies. Un exécuteur testamentaire professionnel est généralement à l’abri d’un comportement intéressé, car il n’hérite pas de la succession et n’a pas d’antécédents émotionnels complexes avec l’un ou l’autre des bénéficiaires. La désignation d’un exécuteur testamentaire professionnel permet de s’assurer que le testament et les autres documents relatifs à la succession sont correctement respectés et qu’un registre complet de tous les biens et transactions de la succession est conservé et régulièrement communiqué aux bénéficiaires. Cela permet de réduire considérablement les risques de conflit entre les membres de la famille et de rassurer ces derniers en leur donnant l’assurance que les biens de la succession sont bien gérés.

    Un exécuteur testamentaire professionnel est également le mieux placé pour gérer la complexité des actifs successoraux, la situation familiale et les obligations légales concurrentes. Enfin, si une ou plusieurs fiducies ont été créées dans le cadre du plan successoral, par exemple des fiducies de conjoint, un exécuteur testamentaire professionnel veillera également à ce que les fiducies soient gérées correctement et à ce que les intérêts de tous les bénéficiaires soient protégés.

    Faire appel aux services d’une société fiduciaire pour agir en tant qu’exécuteur testamentaire et fiduciaire peut s’avérer être une partie intégrante d’un plan successoral bien conçu dans les situations de familles recomposées.

  4. Assurance vie

    L’assurance vie peut être un excellent outil pour répondre à tous les besoins de planification successorale d’une personne dans une situation de famille recomposée. Par exemple, l’assurance vie peut contribuer à garantir une obligation alimentaire imposée par un tribunal à un ex-conjoint. Le fait de laisser une assurance vie suffisante directement à l’ex-conjoint permet de s’assurer que ce dernier n’aura plus aucun droit sur la succession.

    L’assurance vie peut également être un moyen de maximiser la succession afin de s’assurer qu’il y a suffisamment de fonds pour subvenir aux besoins du conjoint actuel et pour faire le legs souhaité aux enfants d’un premier mariage.

    L’assurance vie présente quelques avantages supplémentaires, à condition d’être structurée correctement. Tout d’abord, l’assurance vie est versée en franchise d’impôt et peut passer outre l’homologation si un ou plusieurs bénéficiaires directs sont désignés. Deuxièmement, l’assurance vie peut être structurée de manière à fournir une donation secrète lorsque le défunt ne souhaite pas que certains membres de sa famille s’intéressent au montant laissé à un autre.

  5. Contrats de cohabitation ou de mariage

    Un contrat de cohabitation ou de mariage bien rédigé peut contribuer à clarifier et à restreindre les droits des conjoints en matière de partage de la succession de l’autre. Par exemple, les conjoints peuvent convenir qu’aucun d’entre eux n’a droit à une pension alimentaire pour époux ou limiter toute demande potentielle concernant les biens familiaux. Il est important de travailler avec un avocat qualifié pour rédiger ces documents et obtenir un avis juridique. Certains droits ne peuvent être limités par un contrat. Dans d’autres circonstances, un contrat peut être modifié ou annulé par un juge. Ici aussi, les lois varient considérablement d’une province à l’autre. Néanmoins, l’utilisation correcte d’un contrat de cohabitation ou de mariage peut constituer un élément essentiel d’un plan successoral adéquat dans les situations de familles recomposées.

Remarque sur la planification fiscale et successorale

La réduction des impôts et des frais d’homologation est une préoccupation courante et légitime des particuliers lorsqu’ils planifient leur succession. Malheureusement, les techniques de planification fiscale et successorale les plus avantageuses peuvent parfois être en contradiction avec les techniques les plus avantageuses de protection du patrimoine et de l’harmonie familiale. Par exemple, le transfert d’un compte REER ou FERR au conjoint au moment du décès peut entraîner un report d’impôt sur ces fonds, ce qui n’est pas le cas s’ils sont transférés dans une fiducie. Cependant, une fiducie peut garantir que les actifs sont préservés pour la génération suivante, alors que le contrôle sur les actifs est perdu avec un transfert direct au conjoint. Un planificateur financier de successions efficace cherchera à réduire les impôts et les frais d’homologation dans la mesure du possible sans compromettre l’efficacité globale du plan successoral.

Conclusion

La planification et l’administration des successions deviennent de plus en plus complexes, et l’augmentation du nombre de familles recomposées est l’une des raisons de cette tendance. Il n’a jamais été aussi important de travailler avec un professionnel des successions pour cerner et résoudre tout problème potentiel dans le plan de succession. Pour en savoir plus et connaître les options qui s’offrent à vous en matière de planification de votre succession, contactez votre conseiller en placement.

 

Les services fiduciaires de Raymond James Ltée sont offerts par Compagnie Trust Solus (« CTS »). CTS est une société affiliée à Raymond James Ltée et elle offre des services fiduciaires à travers le Canada. CTS n’est pas membre du Fonds canadien de protection des investisseurs.