Planification successorale pour les bénéficiaires handicapés
Introduction
L’un des principaux objectifs de la planification successorale est de veiller à ce que les proches soient financièrement pris en charge après le décès d’une personne. Cet objectif peut devenir plus important et plus complexe lorsqu’un ou plusieurs bénéficiaires ont des besoins spécifiques qui nécessitent une planification et une protection financières particulières. L’absence de planification adéquate peut conduire à une mauvaise gestion des biens hérités, à des obstacles à l’accès aux biens ou à la perte des prestations d’invalidité du gouvernement lors de la réception de l’héritage.
Bien que chaque situation soit unique, il existe des outils de planification successorale communs qui peuvent être utilisés pour subvenir aux besoins des bénéficiaires handicapés.
Points à considérer
De nombreux facteurs différents doivent être pris en considération lorsqu’il s’agit de planifier l’avenir d’un bénéficiaire handicapé. Premièrement, les actifs disponibles seront-ils suffisants pour subvenir aux besoins du bénéficiaire? Pour répondre à cette question, il faut connaître le montant net de la succession et le montant que le bénéficiaire est susceptible de recevoir. Il est également important de veiller à ce que les actifs laissés au bénéficiaire soient bien investis et que les impôts soient réduits au minimum. Enfin, nous devons veiller à ce que la réception de l’héritage par le bénéficiaire n’interfère pas avec d’autres prestations, telles que les crédits d’invalidité du gouvernement provincial, qui peuvent être basés sur des seuils d’actifs et de revenus.
Une autre préoccupation est de s’assurer que les actifs sont protégés et bien gérés. Si le handicap d’un bénéficiaire entrave sa capacité à gérer ses finances, un don pur et simple risque d’être rapidement perdu. Le bénéficiaire peut également être vulnérable face aux prédateurs financiers. Par conséquent, le plan successoral doit comprendre une ou plusieurs structures juridiques qui assurent la protection et la gestion efficace des biens hérités.
Planification successorale et assurance
Les clients peuvent souhaiter travailler avec un planificateur financier pour estimer le montant de l’aide financière dont le bénéficiaire handicapé aura besoin et le montant qui peut ou doit lui être légué par la succession. Si le montant de la succession est trop petit pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, ou s’il existe des souhaits ou des obligations successorales contradictoires, des mesures supplémentaires peuvent être prises pour ajuster la situation financière. L’une des options consiste à mettre en place une assurance temporaire ou permanente afin d’augmenter le montant de la succession.
Fiducies
Les fiducies sont d’excellents outils souvent utilisés dans le cadre de la planification successorale et sont particulièrement utiles lorsqu’il s’agit de planifier pour des bénéficiaires handicapés. Une fiducie est une structure juridique dans laquelle une personne ou une entité, appelée « fiduciaire », contrôle les actifs placés dans la fiducie. Le « bénéficiaire » est la personne qui a le droit de bénéficier des actifs, et le fiduciaire doit gérer les actifs au mieux des intérêts du bénéficiaire. Les conditions de la fiducie peuvent permettre au fiduciaire de décider du montant à verser au bénéficiaire ou pour lui, et du moment où il le fera, ou peuvent contenir des dispositions visant à restreindre cette prise de décision.
Si la fiducie n’est destinée à entrer en vigueur qu’après le décès d’une personne, ses conditions seront décidées et rédigées au cours de la procédure de planification successorale, mais la fiducie ne sera financée qu’après le décès. Il s’agit d’une fiducie testamentaire. Une fiducie qui est à la fois établie et financée du vivant d’une personne est appelée une fiducie entre vifs. Les fiducies entre vifs sont moins utilisées de nos jours, mais elles peuvent parfois servir dans le cadre de la planification successorale. En règle générale, le testament d’une personne énonce la fiducie et ses conditions; un document de fiducie distinct peut également être rédigé.
Fiducie Henson
Une fiducie Henson est une fiducie entièrement discrétionnaire, qui permet au fiduciaire de décider du montant de l’aide financière à apporter au bénéficiaire à tout moment. Ces fiducies sont généralement créées pour des bénéficiaires qui perçoivent ou pourraient percevoir des prestations d’invalidité de la part du gouvernement qui dépendent de certains seuils de revenus et d’actifs. Dans de nombreuses provinces, les actifs détenus dans une fiducie Henson ne seront pas considérés comme des actifs appartenant au bénéficiaire et n’interféreront donc pas avec les seuils d’actifs requis pour maintenir les prestations d’invalidité du gouvernement.
Il est important de comprendre que ce n’est pas le simple fait de créer une fiducie Henson, mais plutôt la manière dont elle est gérée, qui préserve les prestations d’invalidité fondées sur le besoin. Tous les fonds versés par la fiducie Henson seront inclus dans le revenu pour les seuils liés au revenu dans le cadre des prestations d’invalidité du gouvernement. En Ontario, par exemple, les personnes peuvent recevoir jusqu’à un total de 10 000 $ par année, de la fiducie ou d’une autre source, avant que les prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées ne soient récupérées. Les paiements effectués pour des dépenses liées à un handicap peuvent également être exclus du revenu. L’efficacité et l’utilité d’une fiducie Henson dépendent de la législation spécifique relative au handicap en vigueur dans chaque province ou territoir
Malheureusement, tout revenu gagné dans la fiducie et non versé au cours d’une année donnée sera imposé au taux marginal le plus élevé, à moins que la fiducie Henson ne soit également qualifiée de fiducie admissible pour personne handicapée ou qu’elle ne soit en mesure de faire un choix de bénéficiaire privilégié. Ces deux outils de planification spécifiques sont examinés plus loin. Un conseiller en placement expérimenté peut aider à s’assurer que les fonds de la fiducie sont investis de manière à minimiser les impôts sur une base annuelle.
Fiducie admissible pour personne handicapée
Une fiducie admissible pour personne handicapée (FAPH) est une fiducie testamentaire établie en faveur d’un bénéficiaire handicapé qui a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Les fiducies admissibles pour personnes handicapées sont spécialement reconnues en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et, contrairement à la plupart des autres fiducies, elles sont imposées à un taux progressif. Cela permet de réaliser d’importantes économies d’impôts par rapport à d’autres fiducies. Toutefois, une fiducie ne peut être qualifiée de FAPH que si elle respecte les conditions suivantes :
- Elle est établie au décès d’un particulier.
- Elle est établie au Canada (en général, les fiduciaires doivent être des résidents canadiens).
- Son bénéficiaire est spécifiquement désigné dans le testament (par exemple, un testament qui donne le patrimoine « à parts égales à mes enfants » ne suffira pas).
- Le bénéficiaire a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées.
- Le fiduciaire et le bénéficiaire choisissent conjointement que la fiducie soit une FAPH.
- Le bénéficiaire n’a pas choisi qu’une autre fiducie soit une FAPH.
La dernière condition permet d’éviter qu’une personne soit bénéficiaire de plus d’une FAPH. Par conséquent, si plusieurs membres de la famille créent plusieurs fiducies testamentaires pour un bénéficiaire handicapé, une seule peut être qualifiée de FAPH et donc bénéficier du taux d’imposition progressif.
Tant que les critères ci-dessus sont respectés, il n’y a pas de restrictions sur les conditions de la fiducie ellemême. Ainsi, une fiducie constituée sous la forme d’une fiducie Henson ou d’une fiducie de prestations à vie peut également être considérée comme une FAPH
Fiducie de prestations à vie
Une fiducie de prestations à vie est une fiducie testamentaire qui peut être constituée en faveur d’un enfant, d’un conjoint ou d’un petit-enfant financièrement dépendant du testateur en raison d’un handicap mental.
Le principal avantage d’une fiducie de prestations à vie est que les actifs du compte REER ou FERR du défunt peuvent être transférés dans la fiducie en franchise d’impôt. En règle générale, lorsqu’une personne décède, les fonds de son REER ou de son FERR sont entièrement imposables en tant que revenu au cours de l’année du décès. Par conséquent, la possibilité de transférer ces fonds dans une fiducie de prestations à vie en franchise d’impôt permet de réaliser d’importantes économies d’impôt et, en fin de compte, d’accroître le soutien financier apporté au bénéficiaire.
Une fois que les fonds ont été placés dans la fiducie de prestations à vie, ils doivent être utilisés pour acheter une rente admissible, la fiducie étant le rentier et la personne handicapée, le bénéficiaire. Personne d’autre que la personne handicapée ne peut bénéficier de la fiducie de son vivant. Bien que les paiements de la rente doivent être versés à la fiducie, le fiduciaire peut décider à sa guise des montants versés au bénéficiaire handicapé ou à son profit. De cette manière, la fiducie de prestations à vie peut également fonctionner comme une fiducie Henson en protégeant les prestations d’invalidité du gouvernement. Dans des circonstances appropriées, la fiducie de prestations à vie peut également être qualifiée de FAPH, combinant les principaux avantages des trois types de fiducies :
- le transfert en franchise d’impôt d’un compte REER ou FERR;
- le taux d’imposition progressif d’une FAPH;
- la préservation des prestations d’invalidité du gouvernement permise par une fiducie Henson.
Choix du bénéficiaire privilégié
Dans certaines situations, une fiducie peut être en mesure d’utiliser le choix du bénéficiaire privilégié pour réduire l’impôt à payer. Un « bénéficiaire privilégié » est un bénéficiaire d’une fiducie qui (1) a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées ou (2) est âgé de plus de 18 ans, dépend financièrement d’une autre personne en raison d’un handicap physique ou mental et dispose d’un revenu ne dépassant pas le montant de l’exemption personnelle de base. Pour être considérée comme bénéficiaire privilégié, la personne doit également avoir un lien de parenté spécifique avec le créateur de la fiducie, en étant son enfant ou son conjoint, par exemple.
Si un choix de bénéficiaire privilégié est effectué, les revenus et les gains réalisés dans la fiducie peuvent être imposés entre les mains du bénéficiaire privilégié, même s’ils ne lui sont pas versés. Il peut s’agir d’un outil de planification fiscale particulièrement utile si la fiducie ne remplit pas les conditions requises pour être considérée comme une FAPH.
Choisir le bon fiduciaire
Quelle que soit la structure fiduciaire utilisée, le choix du bon fiduciaire fait partie intégrante d’une bonne planification successorale pour les bénéficiaires handicapés. Le fiduciaire choisi doit connaître les exigences juridiques et fiscales relatives à la fiducie et doit être suffisamment averti pour travailler avec le bénéficiaire et d’autres tiers importants afin de protéger au mieux les intérêts du bénéficiaire. Le fiduciaire doit également être impartial et objectif, afin de s’assurer que ses intérêts n’interfèrent pas avec son devoir de gérer la fiducie au mieux des intérêts du bénéficiaire. Enfin, étant donné que la fiducie est susceptible de durer de nombreuses années, le fiduciaire doit être une personne ou une entité qui survivra à la durée de vie de la fiducie. Comme dans toute autre situation complexe de fiducie ou de succession, il convient d’envisager la désignation d’une société fiduciaire pour gérer les actifs de la fiducie.
REEI
Une personne handicapée peut être autorisée à ouvrir un compte de régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Il s’agit d’un compte d’épargne destiné à aider les personnes handicapées à épargner en vue de leur retraite. Les cotisations versées au REEI peuvent être complétées par des subventions et des obligations du gouvernement. En outre, les placements détenus sur ces comptes croissent en franchise d’impôt jusqu’à ce qu’ils soient retirés par le bénéficiaire. Un autre avantage important des comptes REEI est que les actifs et les retraits du compte peuvent être partiellement ou totalement exclus des tests de seuil des prestations de soutien du gouvernement basées sur les besoins.
Pour avoir droit à un compte REEI, une personne doit :
- être admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées;
- avoir un numéro d’assurance sociale valide;
- être un résident canadien;
- être âgée de moins de 60 ans
Un parent pourrait souhaiter ouvrir un compte REEI pour un enfant handicapé afin de lui apporter un soutien financier supplémentaire à long terme. De plus, dans certaines circonstances, un bénéficiaire handicapé peut être en mesure de verser une partie ou la totalité d’un héritage reçu dans un compte REEI. Cela peut être particulièrement avantageux si le particulier reçoit un héritage d’un REER, d’un FERR ou d’un RPA détenu par le parent ou le grand-parent dont il dépendait financièrement. Dans ce cas, les fonds enregistrés peuvent être transférés dans le compte REEI avec un report d’impôt.
Les comptes REEI sont soumis à certaines restrictions. Tout d’abord, les cotisations sont plafonnées à 200 000 $ pour l’ensemble de la vie. Les cotisations ne peuvent être versées que jusqu’à l’âge de 59 ans et les retraits doivent commencer à l’âge de 60 ans. Les fonds retirés avant l’âge de 60 ans peuvent entraîner le remboursement des subventions et des obligations du gouvernement. L’une des principales préoccupations concernant les comptes REEI est qu’ils sont légalement détenus et contrôlés par le bénéficiaire handicapé. Cela peut ne pas être approprié si le bénéficiaire, bien que légalement capable de gérer ses propres finances, n’est pas fiscalement responsable ou est vulnérable à l’influence de tiers. Si le bénéficiaire n’est pas légalement capable de gérer ses finances, un tuteur ou un procureur aux biens devrait être mis en place afin de gérer le
Autres facteurs
Dans certains cas, même si le bénéficiaire est atteint d’un handicap, il peut être opportun de lui faire un don pur et simple. Cela peut être le cas lorsque le handicap n’influence pas la capacité du bénéficiaire à gérer ses finances et qu’il n’y a aucune possibilité que le bénéficiaire reçoive des prestations gouvernementales d’invalidité fondées sur les besoins. Dans ce cas, des dons purs et simples peuvent être effectués au moyen d’un testament, d’une désignation de bénéficiaire et, parfois, d’une copropriété. Il est extrêmement important de travailler avec un professionnel des successions et des fiducies qui peut examiner l’ensemble de la situation et faire des suggestions personnalisées pour la structure globale de la succession.
La planification successorale pour un bénéficiaire handicapé peut aller au-delà du transfert effectif des actifs au moment du décès. Souvent, les parents ou les conjoints jouent un rôle important en aidant ces bénéficiaires à gérer leurs finances et leurs besoins personnels au quotidien. Il convient de veiller à ce qu’un plan soit mis en place pour que ce rôle puisse être assumé par une autre personne ou organisation lorsque l’aidant principal n’est plus disponible. Par exemple, le bénéficiaire doit désigner des mandataires pour les biens et les soins personnels. Si le bénéficiaire n’a pas la capacité mentale nécessaire pour prendre ces décisions, une ordonnance de tutelle peut s’avérer appropriée.
Conclusion
L’élaboration d’un plan successoral adéquat pour subvenir aux besoins des bénéficiaires handicapés est une question complexe et ne doit pas suivre une solution toute faite. Travailler avec un professionnel compétent en matière de succession et de fiducie, tel qu’un conseiller de Trust Solus, permet de s’assurer que les proches sont correctement pris en charge après un décès.
Les services fiduciaires de Raymond James Ltée sont offerts par Compagnie Trust Solus (« CTS »). CTS est une société affiliée à Raymond James Ltée et elle offre des services fiduciaires à travers le Canada. CTS n’est pas membre du Fonds canadien de protection des investisseurs.